Depuis sa création en 2016, le traiteur Les Cuistots migrateurs propose à ses clients des recettes concoctées par ses chefs réfugiés. Louis Jacquot, l’un des cofondateurs, revient sur la genèse d’un projet socio-culinaire qui ne cesse de se développer, et dans lequel la cuisine invite par les sens à découvrir d’autres cultures.
Comment la cuisine s’est-elle imposée dans votre projet ?
Elle ne s’est pas tout de suite imposée. Au départ, lorsque nous étions en école de commerce avec Sébastien Prunier (l’autre cofondateur des Cuistots migrateurs, ndlr), nous cherchions avant tout à monter un projet à fort impact social, sans trop savoir dans quel domaine. Nous aimions tous les deux voyager, découvrir de nouvelles cultures, la dimension multiculturelle s’invitait donc naturellement dans nos réflexions. L’idée de la cuisine est venue un peu plus tard, quand, de mon côté, la voie de la restauration commençait à sérieusement m’interpeller, à tel point que j’étais prêt à tout abandonner pour devenir chef. Dans le même temps, nous avions vraiment l’impression que la crise migratoire s’emballait, en tout cas médiatiquement… Ce qui nous amenait régulièrement à nous interroger à comment apporter un regard différent, davantage positif, sur la question migratoire. La cuisine nous a paru comme une évidence. À travers des recettes réalisées par des chefs réfugiés, au-delà de faire découvrir de nouvelles saveurs, nous avions l’occasion de montrer que ces personnes qui nous rejoignaient avaient des histoires et des savoirs à nous partager.
Était-ce aussi l’occasion de faire découvrir et de faire se rencontrer différentes cultures autour d’un plat ?
Effectivement. La cuisine porte en elle l’héritage d’une région, d’une culture, d’un patrimoine, d’un savoir-faire… Elle raconte donc une histoire. Personnellement, quand je voyage, la cuisine est ma porte d’entrée dans la découverte d’un pays. Sans doute parce qu’elle a ce côté universel, joyeux, festif et ultra égalitaire qui me plaît : on s’assoit autour de la table, on partage les mêmes plats et on passe un bon moment ensemble.
Mais pour que la magie opère, encore faut-il que la cuisine soit sincère et authentique. Si elle est caricaturale, elle ne racontera aucune histoire, ou alors, une histoire fausse ou incomplète : l’Inde ne se résume pas au butter chicken, par exemple ! C’est la raison pour laquelle chez les Cuistots migrateurs, quand on propose des recettes de chefs venant d’autres pays, on part vraiment de leurs connaissances, de leur savoir-faire, de leurs techniques et de leurs ingrédients. C’est important de rester fidèles à ces recettes, car je le répète, elles sont la preuve que nos chefs réfugiés ont des choses à nous apprendre. […]