Thomas Bouchet : « L’Utopie comme antidote au fatalisme »

Lorsque l’idée de travailler sur l’Utopie, pour ce quatrième numéro du magazine, a émergé au sein de la rédaction de respect, tout le monde a été très enthousiaste, chacun donnant à ce mot le sens qu’il voulait. Rêve ou cauchemar, projet de société ou souhait irréalisable, lieu des possibles ou territoire fantôme, l’avantage de ce mot est aussi l’inconvénient de cette notion, de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’Utopie ? C’est d’autant complexe que son sens a varié plusieurs fois depuis qu’il a été inventé par Thomas More au début du XVIe siècle dans son ouvrage passé à la postérité, Utopia. Si on ajoute à ça les dystopies, les hétérotopies, les uchronies qui peuplent nos écrans, on en perd son latin, et ça tombe bien, car le mot prend ses racines dans le grec ancien. C’est par là que débute Utopie, un petit ouvrage de vulgarisation intelligente de Thomas Bouchet, historien des utopies, à qui j’ai demandé quelques éclaircissements.

Le rendez-vous n’a pas été difficile à prendre, Thomas Bouchet aime discuter son sujet, l’Utopie, sans dogmatisme, mais il a été plus difficile à réaliser, car l’homme, qui enseigne à l’Université de Lausanne, n’a pas de téléphone portable. On a fini par se trouver. Il aurait voulu intituler son livre utopies car, pour lui, le pluriel minuscule convient mieux à ce mot que le singulier majuscule. « Je vois l’Utopie à hauteur d’individu », dit-il. Rencontre avec un historien qui conjugue sa science au présent.

Votre livre s’ouvre sur une inscription que vous apercevez sur un mur, à la Croix-Rousse, à Lyon : « l’Utopie est en nous ! »
Si cette phrase m’a marqué profondément, c’est parce qu’elle est un rappel, l’Utopie, c’est notre affaire. Ce n’est pas une notion abstraite, c’est une notion qui prend corps dans des espaces sociaux, des espaces publics. Derrière cette inscription, il y a aussi une expérience d’un moment passé avec des gens engagés dans une association avec laquelle on tentait de créer quelque chose qui tient de l’Utopie. Il y a comme une sorte de clin d’œil, les utopies, ça s’expérimente à la bombe de peinture orange sur les murs, mais aussi dans les relations avec les autres.

Quel est le sens exact de ce mot posé pour la première fois par Thomas More dans son livre Utopia publié en 1516 ?
En grec, topos signifie lieu, le « u » initial peut être l’équivalent d’un « ou » et l’Utopie serait alors le lieu de nulle part, ou bien l’équivalent d’un « eu » et l’Utopie serait alors le lieu du bonheur. La chance avec Thomas More, c’est que c’est un homme très facétieux, et il nous laisse osciller entre ces deux définitions possibles, sans jamais nous dire exactement si lui-même a choisi l’un ou l’autre sens du mot. Il ne faut jamais perdre de vue qu’il a donné au personnage principal de son livre, celui qui raconte Utopia, un nom à l’étymologie pas tout à fait innocente qui signifie le diseur de mensonges. Thomas More est quelqu’un qui traite de choses très sérieuses, dans Utopia, il y a une dénonciation extrêmement directe et radicale de l’état politique et social de l’Angleterre au début du XVIe siècle, mais toujours avec humour…

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le numéro 4 qui explore les recoins, les marges, les idées et les actions des jeunes engagés et des porteurs d’utopie. Exclusivement disponible sur la boutique respect :

respect 04
AUJOURD’HUI, DEMAIN

MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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