« On sera toujours le radical de quelqu’un et le modéré de quelqu’un d’autre »

Eté 2022, le festival de musiques alternatives et éclectiques de Dour (Belgique) a donné carte blanche pour explorer la jeunesse qui s’engage. Retour sur une rencontre animée par Jean‑Paul Deniaud et Calixte de Procé, cofondateurs de Pioche! Magazine.

Victor Auburtin : « C’est la sensibilité à l’environnement qui m’a mené vers la lutte contre les inégalités. »

« On sera toujours le radical de quelqu’un et le modéré de quelqu’un d’autre. Je pense qu’aujourd’hui chaque solution qui est proposée est, dans une certaine mesure, une solution radicale dans le sens où l’on propose de changer diamétralement la société. Que ce soit avec des actions de désobéissance civile comme le fait Dernière Rénovation ou de nouveaux récits. Parfois, je m’énerve, mais j’essaie d’être vraiment dans une communication non-violente. J’essaie de ne pas faire culpabiliser les gens parce que, moi aussi, je me suis beaucoup auto-culpabilisé. Il ne faut pas que l’on soit dans l’autoflagellation, dans la haine envers soi-même, parce que l’on ne vit pas complètement en adéquation avec nos valeurs… »

Le climat, pour beaucoup de gens, ça ne parle pas parce que c’est très théorique, comme la biodiversité, jusqu’à ce qu’on le constate de ses propres yeux. Je pense principalement à ma mère qui, quand elle était jeune, vivait dans un milieu ouvrier, et qui a commencé à avoir un lien avec l’environnement, avec la biodiversité, en retournant en Algérie voir sa famille dans un milieu rural. Il y a beaucoup de gens qui constatent cela, qui, en rentrant dans le pays dont ils sont originaires, voient des changements par rapport à ce que leurs parents ont vécu. Une partie de leur famille vit la désertification, l’extinction de la biodiversité, la montée des eaux, l’infertilité des sols aussi, qui est vraiment une énorme problématique sur toute la bande sud du Sahel et de plus en plus en Asie. Je pense que ce sont des thématiques aussi qui pourraient plus centrer la mobilisation là-dessus.

C’est mon expérience personnelle, mais moi, c’est plus la sensibilité à l’environnement et à ces engagements-là qui m’a mené vers la lutte contre les inégalités, le capitalisme, la lutte contre le racisme systémique, la lutte contre les inégalités de genre. Mais, inversement, cette lutte contre ce système complètement injuste pourrait peut-être mener, de fil en aiguille, à mieux comprendre pourquoi ce système a aussi détruit la planète et pourquoi ce système a décidé de mettre certains individus et certains privilèges en avant vis-à-vis d’une espèce de communauté globale. On a parlé des nouveaux récits. Je pense que les nouveaux récits pourraient vraiment amener de l’environnement aux luttes sociales ou, à l’inverse, des luttes sociales à l’environnement.

Adélaide Charlier : « On doit taper avec différents marteaux sur le même clou. »

Moi, c’est Adélaïde, j’ai 21 ans. Je suis également membre du mouvement Youth For Climate. Je me considère comme activiste pour le climat et les droits humains.

Peut-être qu’il y a beaucoup plus de conscientisation dans la jeunesse d’aujourd’hui. Et en même temps, c’est parce que l’urgence est beaucoup plus présente. Donc, ça serait encore plus effrayant de voir moins de mobilisation de la part de notre génération qui va devoir continuellement faire face à ces conséquences.

Ce n’est pas toute la génération qui est éveillée et c’est pour cela que l’on a un travail énorme à faire en tant que partie de la jeunesse prête à se bouger et à aller déranger pour réveiller, non seulement le reste de notre génération, mais les autres aussi. Dans toutes les générations, il y a des personnes éveillées. On travaille énormément avec les grands-parents pour le climat par exemple.

Je ne porte pas un mouvement, c’est tout un mouvement qui se porte. Ce n’est pas une casquette d’activiste que j’ai sur moi, c’est vraiment ce que j’ai au fond de moi et ça sort, naturellement. Et là est le dilemme constant, entre l’information et l’action. En fait, je n’arrive pas à lire un rapport du Giec et continuer ma vie en tant qu’ado, faire la teuf… C’est impossible. Je ne veux pas être conscientisée, ne pas me lever et ne pas résister.

Il y a énormément de mouvements, d’organisations, d’individus. C’est un peu complexe, même entre nous, c’est difficile de s’y retrouver. Mais je pense que le but est évidemment de collaborer, en sachant aussi que chacun d’entre nous amène l’engagement d’une autre manière. Et donc, on arrive à toucher différentes personnes et de manière assez différente. En attendant, on est obligés de se retrouver sur des messages. On doit taper avec différents marteaux sur le même clou. Dans ces moments-là, il faut que l’on parle, que l’on communique et ça se fait énormément à un niveau international. On fait tous une action et ça se fait dans 160 pays différents à travers le monde. C’est une coalition de désobéissance civile où on se retrouve avec énormément de mouvements, énormément d’ONG et pas seulement dans l’environnement. Il y en a qui se battent pour ça. La gauche anticapitaliste, il y a les Gilets jaunes… Il y a énormément d’autres mouvements qui sont dans les rues de base, pas seulement pour l’environnement. Et on se retrouve dans cette coalition-là.

Cet article est issu de respect 4, numéro qui explore les recoins, les marges, les idées et les actions des jeunes engagés et des porteurs d’utopie. Exclusivement disponible sur la boutique respect :

respect 04
AUJOURD’HUI, DEMAIN

MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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