Eloa Guillotin, la bombe H de l’aviation d’affaires. Convaincue de la nécessité de verdir l’industrie aérienne, Eloa Guillotin a cofondé en 2020 Beyond Aero. Son objectif : créer un jet électrique à propulsion hydrogène capable de desservir l’essentiel des destinations européennes. Un pari qui pourrait bien bouleverser le marché de l’aviation d’affaires, souvent décriée pour les dégâts environnementaux qu’elle engendre.
Et soudain, il disparut des radars. Le 10 septembre 2022, le compte Instagram @laviondebernard, qui suivait depuis des mois les trajets du jet privé de Bernard Arnault, annonçait la fin de sa traque minutieuse, faute d’avion. Plusieurs mois de polémique avaient en effet fini par convaincre le patron du groupe lvmh de se séparer de son Bombardier Global Express, devenu le symbole de l’inconséquence écologique des puissants de ce monde. Désormais condamné à voler à bord d’avions privés de location, plus difficiles à identifier, l’homme le plus riche du monde gagnerait sans doute à s’intéresser au destin d’une jeune start-up française, baptisée Beyond Aero.
Fondée il y a seulement trois ans, la jeune pousse tricolore s’est fixé pour but de développer un petit avion électrique à propulsion hydrogène. L’aéronef, long d’une vingtaine de mètres, devrait à terme permettre à 6 à 8 personnes de voyager à travers l’Europe à un plafond de 30 000 pieds (9 000 mètres), à plus de 570 km/h, sur une distance de 1 500 km. Soit cinq fois plus loin qu’un avion à batterie. Pas de quoi jouer des coudes avec Airbus au pays des longs courriers, mais suffisant pour satisfaire une clientèle d’affaires européenne désireuse de s’envoyer en l’air en toute intimité, et de limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Certes, ce segment du marché aérien est minoritaire en France (10 % du trafic et 1,6 % des émissions du secteur selon les chiffres du ministère de la Transition énergétique), mais ses perspectives de croissance n’ont pas échappé au trio de têtes bien faites à l’origine de Beyond Aero.
Jeunes loups et vieux briscards
L’aventure a commencé en 2020, quand Eloa Guillotin et Hugo Tarlé, deux camarades de l’ISA-SUPAERO à la fibre entrepreneuriale prononcée, ont croisé la route de Valentin Chomel, un polytechnicien qui travaillait chez Safran. Entre la jeune femme biberonnée à l’aérospatiale depuis l’enfance, le bidouilleur talentueux capable de fabriquer un avion à hydrogène en modèle réduit, et le spécialiste de la motorisation électrique, la complémentarité est évidente et l’alchimie immédiate. À eux trois, et à même pas 30 ans, les jeunes loups vont déplacer des montagnes en un temps record. […]
Par Olivier Saretta