L’histoire du passeport

Document incontournable de la mobilité internationale contemporaine, le passeport est le fruit d’une longue construction, intimement liée à celle des États-nations. Objet ambivalent, tout à la fois instrument de contrôle et outil de protection, il est devenu, au fil du temps, le reflet des rapports de forces qu’entretiennent les États modernes. Retour sur l’histoire d’une frontière de papier qui unit les êtres humains autant qu’elle les divise.

C’est un petit livret d’apparence anodine, aux couleurs variant du grenat au vert olive, dont l’importance est inversement proportionnelle à ses mensurations – 125 mm sur 88 mm et 32 pages. Sans passeport, impossible de franchir les frontières qui segmentent le monde en autant d’États modernes, jaloux de leur indépendance. Ce symbole par excellence de la mobilité internationale contemporaine n’a pourtant pas attendu la naissance de l’ONU, en octobre 1945, pour réglementer la circulation des individus.

« Le mot “passeport” apparaît dans la langue française aux alentours de 1420, précise Marie-Carmen Smyrnelis, professeur d’histoire à l’Institut catholique de Paris et spécialiste des mobilités dans l’espace méditerranéen au XIXe siècle. Il remplace un document du Moyen Âge appelé sauf-conduit, qui permettait aux marchands et aux émissaires royaux de voyager. Comme le note l’Académie française dans son dictionnaire, il permettait le franchissement d’un passage ou d’une issue, et se voyait délivré à des groupes de voyageurs (les membres d’une même famille, des marchands, etc.). » L’être qui circule à l’époque sans passeport, ne serait-ce que d’une ville à une autre, est considéré comme dangereux. Vagabonds et déserteurs sont ainsi les premières figures dont le passeport doit limiter la circulation. Si l’émission des sauf-conduits et des laissez-passer était assurée par des autorités locales, comme les paroisses, celle des passeports va peu à peu devenir un monopole étatique.

De l’idéal de circulation à l’étreinte des États

Symbole de la coercition de l’absolutisme, qui entravait la mobilité des individus, le passeport change de dimension et de nature avec la naissance des premiers États-nations. À commencer par la France, où la Révolution de 1789 va poser les fondations de son usage moderne, en dépit de l’inscription de la libre circulation des personnes dans la première Constitution de 1791. L’impératif de surveillance des frontières et des individus sur le sol national, en ces temps de veillée d’armes face aux monarchies voisines, va avoir raison du cosmopolitisme révolutionnaire cher à Condorcet. Les partisans du contrôle, qui trouveront en Joseph Fouché, ministre de la Police du Ier Empire, un héritier zélé, contribueront ainsi à la normalisation du passeport. Les prémisses d’un monopole d’État, dont l’emprise va s’accroître tout au long du XIXe siècle.

À la notion d’emprise, l’historien et sociologue américain John Torpey, auteur d’un ouvrage de référence sur l’histoire du passeport, préfère celle d’étreinte. « Selon lui, au XIXe siècle, les États-nations naissants vont chercher à “étreindre” leurs populations par le biais d’un contrôle croissant, éclaire Marie-Carmen Smyrnelis. Ce contrôle prend plusieurs formes : contrôle des frontières, affirmation de la souveraineté de l’État et, bien sûr, identification des personnes vivant sur le territoire national, dans le but de garantir la conscription de masse et le paiement de l’impôt. » Un accès aux ressources des individus rendu possible par les mécanismes de surveillance que sont le recensement – en France, celui-ci fera un pas de géant avec la création de l’état civil en 1792 –, le système d’enregistrement des foyers, et les passeports intérieurs et extérieurs. Cette « étreinte » progressive de l’État, et le monopole de contrôle de la circulation des individus qui en découle, n’est toutefois pas le seul phénomène qui caractérise le xix e siècle. […]

Par Olivier Saretta

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MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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