Hiam Abbass
©Yohan Bonnet/AFP

Hiam Abbass, actrice

Peut-être l’avez-vous croisée dans Chacun cherche son chat de Cédric Klapisch dans lequel elle fait une apparition ? Peut‑être avez-vous pleuré devant La Fiancée syrienne, son premier succès international ? Peut-être était-ce devant la caméra de Denis Villeneuve, Steven Spielberg ou Jim Jarmush avec lesquels elle a tourné ? Peut-être êtes-vous fasciné par le personnage ambigu de Marcia qu’elle incarne dans la série Succession sur HBO ? Peut‑être rien de tout ça, car Hiam Abbass fait partie de ces actrices qui existent au-delà de leurs rôles. Elle est une présence, un visage tout en ombres et des yeux noirs pour l’éclairer, une voix si sûre, que ce soit en arabe, en hébreu, en anglais ou en français qu’elle parle couramment. Elle s’excuse par avance : « Parfois quand je reviens des États-Unis, j’ai un peu de mal à ramasser mes pensées en français. » Pour Hiam Abbass, les frontières ne sont pas un obstacle. Depuis son enfance, elle a passé sa vie à les dépasser, même quand elles semblaient indépassables. Notamment la première, celle du cercle familial duquel elle s’est extirpée pour suivre des cours de photographie en Israël. En parallèle, elle joue dans une troupe et sait, sans le dire encore, que son destin est sur scène ou devant une caméra. Elle suivra un amour qui l’emmènera jusqu’à Londres puis, après quelques péripéties, Paris. Elle a 28 ans et tout à prouver. C’est là que je la retrouve, une cinquantaine de films plus tard, pour rencontrer l’icône qu’elle est devenue.

Un soleil rasant inonde l’avenue. Ce soleil d’hiver, typiquement parisien, qui enveloppe la ville d’une chaleur inattendue. Rien n’indique au bas de l’immeuble que Hiam Abbass vit ici, il faut entrer le code, sonner à l’interphone et pousser la porte qu’elle a laissée entrouverte. Elle m’accueille chaleureusement, me propose un café que je n’ose refuser, et nous passons en revue les récompenses qu’elle a reçues et qu’elle cache tout en haut d’une armoire, « Celui-là, il est beau », « Celui-là, il est moche », « Celui-là, j’y tiens parce que c’est une récompense d’un chœur avec qui on fait un travail d’insertion ». Il n’y a pas de photos d’elle, pas d’affiches de film, pas de souvenirs de tapis rouges, mais sa famille et des objets qu’elle retrouve lorsque son agenda lui en laisse le temps. Nous finissons par nous asseoir. « Je vais changer de place parce que vous êtes à contre-jour et je voudrais vous voir pour vous répondre », un sourire est échangé, l’entretien peut commencer.

Ça ne ressemble pas à un appartement de star internationale ?
Il n’y a pas beaucoup de gens qui entrent chez moi, parce que j’ai toujours séparé ma vie personnelle
de ma vie professionnelle. J’ai toujours su qu’il me fallait un endroit qui ne soit rien qu’à
moi et ici j’ai créé un petit cocon. Je n’aime pas les paillettes et tout ce qui vient avec le travail à
l’écran. Dans ma vie, j’aime vivre simplement, aussi simplement que je peux. J’essaie en tout
cas de me discipliner, ne jamais oublier d’où je viens, je prends le métro, je prends le bus, j’ai
toujours fait ça et pour moi ça n’est pas une question. Quand je croise quelqu’un qui me dit :
« Je vous ai déjà vu quelque part », je lui réponds : « Nous nous sommes peut-être croisés un
jour. » C’est difficile de parler de moi, et tout ce qui me ramène à mon métier, ça n’est pas
quelque chose qui me met à l’aise. C’est comme si on me dénudait mais pas dans un rôle. Ce que
j’aime, c’est voir tous ces personnages que j’ai joués exister chez les gens, mais ça n’est pas moi,
moi j’étais juste l’outil, la transparence pour faire exister ces personnages, ça n’est pas vraiment
moi. C’est ça qui est beau. Ils font tous partie de moi et je fais partie d’eux.

Y’a-t-il un moment précis où vous avez compris que jouer des personnages ce serait votre vie ?
Je crois que ça a été ma vie depuis que je suis enfant. Quand je jouais à l’école, cet espace scénique,
ce moment où je deviens quelqu’un d’autre est quelque chose qui m’a habité sans que ce soit conscient. Je me souviens la première fois que j’ai joué une pièce de théâtre à l’école, j’étais très jeune et j’interprétais le rôle d’une mère qui perd son enfant. Traverser cette émotion et la partager avec le public, ça a été très fort, très important pour moi, il y avait une sorte de magie, une magie qui est restée sans que je sache où elle allait m’emmener. Plus tard, avec le temps, j’ai continué à faire du théâtre et à comprendre que c’était un espace de liberté. J’ai ressenti cette liberté d’une existence qui m’appartenait seule, qui était à moi, que personne ne pouvait toucher. C’est ma façon de me protéger de ce monde qui vous dicte comment être dans votre vie. Sur scène, il n’y a que moi qui décide pour moi-même. Quand je me donne à un personnage, personne ne peut me dire ce que je dois faire, c’est entre le personnage et moi et le monde autour n’existe pas. Quand j’ai compris ça, sans le comprendre à l’époque, c’était juste une sensation, et ça m’a attachée à ce métier que je n’ai pas appris dans une école…

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respect 05
50 NUANCES D’ENGAGEMENT

MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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