Mathieu Simonet : la tête dans les nuages, les pieds sur terre

À qui appartiennent les nuages ? À personne, selon le droit international mais, à l’heure où l’eau devient une ressource rare, certains voudraient se les approprier. Ces apprentis sorciers envoient dans le ciel de l’iodure d’argent pour les faire pleuvoir artificiellement. Une pratique qui soulève de nombreuses questions environnementales et sanitaires, mais aussi philosophiques. L’ex-avocat et écrivain Mathieu Simonet se bat pour les nuages en demandant notamment à l’Unesco de les intégrer à son patrimoine.

Comment vous est venue cette idée folle d’inscrire les nuages au patrimoine de l’Unesco ?
Cette idée est en réalité le fruit de rencontres un peu hasardeuses… Tout d’abord celle d’un artiste, Monsieur Moo, qui avait décidé en 2011 de faire pleuvoir un nuage se dirigeant vers les États-Unis au-dessus du Québec, en réponse aux Américains qui, soixante ans auparavant, avaient ensemencé un nuage se dirigeant vers le Canada pour le déverser sur l’État de New York. De fil en aiguille, je me suis intéressé à cette question des nuages : comment les protéger de ceux qui les manipulent comme bon leur semble ? Mon projet initial était d’alerter l’ONU sur la nécessité d’une réglementation au niveau international, dans la lignée de ce qu’avait entrepris avant moi Mr Moo. Puis l’exposition médiatique de la démarche m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes qui souhaitaient m’aider, dont Raphaël Chalaye-Lozano, directeur général adjoint de l’agence Citizens. C’est lui qui, finalement, m’a conseillé d’aller plus loin, en demandant à l’Unesco d’intégrer les nuages au patrimoine mondial.

Qu’impliquerait concrètement l’inscription des nuages au patrimoine de l’Unesco ?
Quand on parle du patrimoine mondial de l’Unesco, cela génère une émotion chez chacun. Même si l’on ne peut pas protéger les nuages comme des monuments, les inscrire symboliquement au patrimoine permettrait de toucher l’opinion publique, le politique, et donc indirectement l’ONU, pour qu’il y ait enfin une réglementation internationale, notamment sur l’ensemencement des nuages. Cette pratique pose des questions sur le plan environnemental comme sanitaire, même si elle peut peut-être s’avérer utile dans certains cas – pour éviter des grêles dévastatrices ou irriguer des zones impactées par la sécheresse par exemple. Inscrire les nuages au patrimoine mondial permettrait de lancer un vrai débat public et d’entendre davantage d’experts sur cette pratique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il s’agit d’un sujet qui concerne tout le monde, d’un sujet profondément démocratique…

Au printemps 2022, vous avez invité 700 enfants à s’allonger sur un terrain de football municipal de Seine-et-Marne pour contempler le ciel et exprimer sur le papier ce qu’ils ressentaient. Un geste symbolique fort pour alerter l’ONU. La poésie peut-elle aider à faire avancer les choses ?
La poésie a trois avantages : développer le moteur d’enthousiasme, prendre de la hauteur sur un sujet et fédérer les énergies. Elle a donc un rôle important à jouer en politique, mais seule, elle ne peut rien. Les utopies désincarnées qui ne tiennent pas compte des contraintes ne m’intéressent pas. Ce que j’aime, c’est être à la fois rigoureux, et partir dans tous les sens, en faisant parfois confiance au hasard. Sans la poésie, ni moi ni ces enfants n’aurions été reçus par l’Unesco pour déposer notre projet.

Justement, quelles suites ont été données après cette visite ?
Une lettre nous a été remise pour nous informer que les nuages ne pouvaient pas entrer au patrimoine de l’Unesco pour plusieurs raisons. Notamment parce qu’ils sont mobiles et ne sont donc pas localisables sur une zone établie. Il existe donc aujourd’hui tout un patrimoine qui n’est pas protégeable, celui qui n’entre pas dans le patrimoine matériel et dans le patrimoine culturel immatériel. Le problème est le même pour les ciels étoilés impactés par la pollution lumineuse des villes que d’autres tentent de protéger.

Votre combat est-il perdu ?
J’aimerais d’abord que soit reconnue la journée internationale des nuages, le 29 mars. Ensuite, je souhaite que la France signe enfin la convention ENMOD de 1976, qui interdit notamment de manipuler les nuages pour en faire des armes de guerre, et que la plupart des pays du monde ont signé. Enfin, je n’abandonne pas l’idée d’inscrire symboliquement les nuages au patrimoine mondial de l’Unesco, mais surtout d’obtenir une convention de l’ONU autour des nuages, car il n’est pas acceptable aujourd’hui que chaque pays puisse faire ce qu’il veut avec les nuages qui survolent son espace aérien.

Cette interview est extraite de respect 04, qui explore les recoins, les marges, les idées et les actions des jeunes engagés et des porteurs d’utopie. Exclusivement disponible sur la boutique respect :

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AUJOURD’HUI, DEMAIN

MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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